Tribune libre
Retour31 décembre 2020
La bonne nouvelle de 2020: la science et ses musées
TEXTE D'OPINION DE SANDRA GAUTHIER
©Photo Gracieuseté
Sandra Gauthier a été de tous les combats afin d'obtenir du financement récurrent pour les musées à vocation scientifique.
Bien que 2020 ait été difficile à plusieurs égards, et bien que la pandémie mondiale nous ait miné le moral, je souhaitais revenir sur une importante annonce de la ministre de la Culture et des Communications (MCC), Nathalie Roy, le 7 juillet dernier.
En effet, celle-ci a appuyé et reconnu «… l’apport essentiel de la muséologie scientifique quant à ses rôles de vulgarisation, d’éducation, de recherche, de valorisation et de conservation» en annonçant le financement de seize institutions muséales à vocation scientifique du Québec. Une annonce longuement attendue.
En appuyant les musées à vocation scientifique et technologique, le gouvernement reconnait aujourd’hui leur valeur éducative pour un Québec moderne. Il reconnait l’importance des mandats de ces musées de :
- Diffuser et célébrer la recherche réalisée au Québec et ailleurs, auprès des Québécoises et Québécois de tous âges, de toutes origines et de toutes les régions ;
- Promouvoir la démarche scientifique et l’esprit critique, afin de contrer l’obscurantisme et les faits alternatifs ;
- Procurer des lieux de rencontres qui fédèrent autour de valeurs communes, afin de façonner un avenir plus inclusif et durable pour tous ;
- Valoriser le savoir, développer nos capacités scientifiques collectives et susciter l’innovation. Dans un contexte de pandémie mondiale où seule la science vaincra, mais à travers laquelle elle se fait grandement malmener, les musées à vocation scientifique prennent tout leur sens et leur rôle nous apparait maintenant essentiel dans l’évolution des générations futures.
Aussi, cette annonce du 7 juillet 2020 nous aura permis, à Sainte-Anne-des-Monts en Haute-Gaspésie, de fêter la fin de 16 longues années de quête et de lutte pour l’obtention d’un financement dédié au fonctionnement du musée Exploramer.
Tranche de vie : Je me revois en 2005, jeune directrice fraichement nommée, prendre le téléphone et appeler au bureau de la direction régionale du MCC pour leur mentionner que notre institution cadrait parfaitement dans le Programme d’aide au fonctionnement des institutions muséales… J’aurais téléphoné au bureau de poste pour parler au Père-Noël que la réaction aurait été la même ; rire cumulé d’un «pauvre p’tite-chouette». À trois, puis à sept et finalement à trente-neuf dirigeants de musées reconnus, mais non soutenus, nous nous sommes regroupés en coalition. De ce nombre, tous n’ont pas réussi à obtenir de financement. D’abord parcellé en fonction des thématiques, puis réévalué en vue de l’agrément gouvernemental, certains sont tombés. Des politiciens aussi. Ces années ont été difficiles dans notre MRC très pauvre. Il y a eu des mots, des heurts, des coups bas et des orages violents. Un musée était perçu par certains comme un luxe, ou comme une carotte politique pour d’autres. Mais pour les enfants, les parents et le milieu scolaire, le musée est avant tout un lieu d’apprentissage. Et justement, dans notre MRC très pauvre, l’éducation ne peut se permettre d’absentéisme. Les travaux ne sont pas terminés, mais le plus important (la pérennité) est obtenu et nous pouvons maintenant envisager du développement et de la construction.
Pour Exploramer et la Haute-Gaspésie, l’annonce est prospère. À l’instar des autres musées, nous pouvons nous aussi nous consacrer entièrement à notre mission, soit de sensibiliser le public à la préservation et à la connaissance du Saint-Laurent. Exploramer a eu la très grande chance de pouvoir compter sur des administrateurs convaincus, des employés compétents, des donateurs généreux et une population mobilisée. Sans ces personnes, il aurait été facile de fermer les portes à de nombreuses reprises. Merci aux ministres Nathalie Roy et Pierre Fitzgibbon (responsable de la science) de croire en nos travaux et en nos missions. Vous nous permettez d’avancer. Merci tout spécial à la directrice du Musée Armand-Frappier, Guylaine Archambault, et au directeur du Centre d’interprétation des mammifères marins, Patrice Corbeil, pour le travail conjoint, passionné et acharné durant ces 16 années pour mener à bien ce dossier.
Voilà, nous sommes heureux et reconnaissants de cette importante annonce de 2020. La science a gagné 16 lieux de diffusion répartis dans les régions du Québec et la muséologie a gagné en diversité et en spécialisation de ses contenus scientifique. Ce qui est bien dans cette histoire c’est qu’il n’y a pas de perdant.
Sandra Gauthier
directrice générale d’Exploramer et initiatrice de la Coalition des musées reconnus-non soutenus.
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