Économique
Retour13 février 2025
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
LM Wind Power ferme son usine au Brésil
GASPÉ
©Jean-Philippe Thibault
Des pales fabriquées à Gaspé prêtes à être acheminées aux États-Unis.
Le fabricant de pales LM Wind Power – qui a des antennes à plusieurs endroits sur la planète, dont Gaspé – cessera ses opérations au Brésil d’ici le mois d’avril. L’information a d’abord été rapportée par le média local TV Marazul, puis confirmée par le journal spécialisé Energy Watch.
Environ 1000 personnes sont directement touchées par cette annonce. Le nombre augmente à 1600 en comptant les sociétés affiliées. Il s’agit de l’une des plus grosses usines de LM Wind Power, qui appartient aujourd’hui à GE Vernova. L’appétit diminuant pour l’énergie éolienne en Amérique latine est évoqué pour motiver la décision (depuis le printemps 2023, le solaire a surpassé l’éolien au Brésil). L’usine de Suape, basée à l’extrémité est du pays, est la seule de LM Wind Power sur le continent sud-américain.
Ceci étant, devrait-on s’inquiéter pour l’avenir de l’usine de Gaspé, avec en toile de fond cet épisode estival où le bris d’une pale en mer au projet Vineyard Wind sur la côte Est américaine a mené l’entreprise à enlever toutes les autres pales déjà installées fabriquées à Gaspé? Questionnée spécifiquement sur ses intentions au Canada, une porte-parole de GE Vernova a été laconique, en copiant-collant mot pour mot la réponse déjà faite à Energy Watch. « En raison de la baisse de la demande sur le marché latino-américain, notre usine de pales LM Wind Power à Suape, au Brésil, cessera ses activités. Cette décision a été difficile à prendre et nous sommes pleinement engagés à soutenir nos employés concernés et ferons tout ce que nous pouvons pour leur offrir des indemnités de départ et de transition complètes. » Pas un mot sur son usine de Gaspé.
Fabriqué en Asie
Québec a autorisé la semaine dernière la construction du parc éolien Mesgi’g Ugju’s’n 2, dans l’arrière-pays d’Escuminac. Le projet de 250 millions de dollars sera mis sur pied en collaboration avec Innergex et la Migmawei Mawiomi Business Corporation, la branche d’affaires des trois communautés mi’gmaq de la Gaspésie; Gespeg, Gesgapegiag et Listuguj. Toutes les composantes proviendront de la Chine et de l’Inde, puisque les coûts sont plus bas et qu’aucune exigence de contenu local n’a été demandée.
À l’heure où Hydro-Québec veut installer 10 000 mégawatts supplémentaires d’énergie éolienne dans la province, certains se demandent si les manufacturiers québécois vont manquer le coche. Outre l’usine de pales à Gaspé, Marmen Énergie a relancé sa production de tours à Matane. Heureusement pour elle, une entente a été conclue plus tôt l’an dernier avec Invenergy, l’Alliance de l’énergie de l’Est et Vestas pour fournir les tours du projet Pohénégamook–Picard–Saint-Antonin–Wolastokuk; un projet de 350 mégawatts et 56 éoliennes, sélectionné en mars 2023.
Pour revenir à Gaspé, le maire est l’un de ceux qui a certaines interrogations. « Est-ce que les turbulences actuelles pourraient affecter l’usine? J’ai posé des questions, mais je n’ai pas de réponses. À court et moyen terme, ça devrait aller, mais au-delà, c’est difficile à dire. La conjoncture est bizarre, lance Daniel Côté, qui essaie tout de même d’être optimiste. Avec la fermeture brésilienne, peut-être que ça va donner du marché et des opportunités supplémentaires avec moins d’usines ouvertes. »
©Jean-Philippe Thibault - L'Avantage Gaspésien
Le maire de Gaspé, Daniel Côté.
L’essentiel des pales produites à Gaspé prend le chemin des États-Unis. À son premier jour à la Maison-Blanche, le nouveau locataire a signé un décret pour mettre à l’arrêt tous les futurs projets extracôtiers en eaux fédérales et réviser tous les autres déjà autorisés par le ministère de l’Intérieur, ce qui rajoute une couche d’incertitude. LM Wind Power a fermé l’une de ses usines de pales en Arkansas en 2020. Il en reste une autre seulement aux États-Unis, au Dakota du Nord.
Le premier magistrat de Gaspé réitère ainsi son désir de voir un contenu minimal garanti au Québec, un enjeu souvent ramené sur le tapis dans les derniers mois et les dernières années. « Avec notre expertise dans l’Est-du-Québec et tout ce qui se passe présentement sur la planète avec un protectionnisme de tous les États, il faudrait qu’il y ait des composantes locales dans nos parcs éoliens. Ça serait dommage qu’on soit les derniers à avoir des mesures pour nos productions locales. J’ose espérer qu’il y aura une certaine mécanique pour que nos entrepreneurs locaux puissent se démarquer dans les appels d’offres québécois. »
Jeudi dernier à l’Assemblée nationale, le député de Matane-Matapédia, Pascal Bérubé, a déposé une motion demandant au gouvernement d’inclure une clause de contenu québécois dans tous les nouveaux projets de parc éolien. La CAQ a battu la motion, elle qui proposait plutôt un amendement visant « un maximum de contenu québécois dans tous les nouveaux projets de parc d'éolienne », mais sans l'obliger. Cet amendement a été refusé par le PQ.
La CAQ a jusqu’ici refusé d’obliger ce contenu local obligatoire, comme aux débuts de l’industrie éolienne québécoise aux débuts des années 2000. Elle dit cependant être à l'oeuvre pour maximiser les retombées. « Notre gouvernement souhaite travailler afin à ce qu’il y ait un maximum de contenu québécois dans tous les nouveaux projets de parc d'éolienne, précise le député de Gaspé, Stéphane Sainte-Croix. La CAQ a proposé un amendement en ce sens, que le PQ a refusé malheureusement. Notre gouvernement travaille de concert avec Hydro-Québec afin d’optimiser les retombées qui bénéficieront à l’ensemble des Québécois. »
Quant à elles, les pales de 107 mètres en mer qui doivent être désinstallées devraient prendre le chemin des ports de Sheet Harbor, St John ou Halifax, tel que précisé en décembre.
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