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Retour21 mars 2025
Dominique Fortier - dfortier@medialo.ca
Protection du caribou : une douche glaciale à l’économie de la Haute-Gaspésie

©Photo Dominique Fortier - L'Avantage Gaspésien
Damabois a cessé ses opérations en raison des mesures de protection du caribou.
L’entreprise Damabois de Cap-Chat met 18 travailleurs à pied temporairement. D’autres entreprises sont aussi fragilisées par ce dossier qui n’en finit plus de finir.
Le préfet de la Haute-Gaspésie, Guy Bernatchez ne se surprend pas de la nouvelle de l’arrêt des activités de Damabois à Cap-Chat. « On le voyait venir. C’est une catastrophe pour la MRC. Autant les élus que les agents de développement ont lancé de nombreux signaux d’alarme au gouvernement du Québec. Lorsque François Legault a déclaré que nos entreprises avaient besoin de prévisibilité en lien avec les tarifs de Trump, nous vivons exactement la même chose, mais avec le caribou. Nous n’avons aucune idée vers où ça s’en va. »
Il y a un projet-pilote qui a été déposé et qui a comme conséquence qu’aucun aménagement forestier dans la zone d’habitat en restauration n’est permis. Ça représente 5 000 km2 de Capucins à L’Anse-Pleureuse et de la mer jusqu’au sud du Parc national de la Gaspésie. « Dans ce contexte, Damabois a dû s’approvisionner à l’est de cette zone, vers Gaspé. Ce n’est pas dans leur territoire historique. Ils disent qu’ils ont engloutis 10 millions de dollars en frais de surplus d’opérations et de transport. Ils ont étiré l’élastique jusqu’à la conclusion que nous connaissons, soit la fermeture de leur usine de sciage qu’il ne faut pas confondre avec l’usine de palettes », précise Guy Bernatchez.
Les élus demandent une levée des mesures intérimaires afin de ravoir accès au territoire. Si cette demande est valable pour la survie de l’usine de bois résineux de Damabois, elle l’est aussi pour d’autres entreprises œuvrant en sylviculture, mais également en récréotourisme. On peut aussi englober l’accès aux sentiers de motoneige. « Il faut régler cette problématique une fois pour toutes avec les ministres en charge du dossier, et je souhaite aussi que le Premier ministre y participe », ajoute le préfet.
La Haute-Gaspésie ne peut pas non plus se positionner sur les projets éoliens carles promoteurs sont très peu enclins de s’installer sur un territoire où une zone importante de protection du caribou est présente. Rappelons qu’au moment d’écrire ces lignes, la population gaspésienne de caribous est au nombre de onze en liberté et 19 en enclos.
Des impacts sur les autres secteurs
Guy Bernatchez est conscient que la foresterie n’est pas le seul enjeu important pour la Haute-Gaspésie, mais du même souffle, il mentionne que les autres créneaux comme la culture deviennent viables lorsque les gens ont de l’argent pour assister aux différents événements de divertissement. « Lorsqu’on a des travailleurs qui gagnent 70 000 $ par année qui se retrouvent sur le chômage, ils n’ont plus l’argent pour consommer de la culture. C’est en ce sens que je dis que c’est un tout et qu’on ne doit pas opposer les différents créneaux qui font notre économie. »
Diversité et sélection naturelle
Le discours des élus est toujours le même : oui à la protection du caribou, mais pas à n’importe quel prix. Ce qui amène inévitablement la question suivante : quel est ce prix? À cet effet, Guy Bernatchez parle de la loi de la jungle. « Il ne faut pas perdre de vue que nous avons une biodiversité hyper riche en Haute-Gaspésie. Je mets n’importe qui au défi de venir prendre une marche avec moi en forêt pour constater l’ampleur de cette biodiversité. Nous allons voir des pistes d’orignaux, de chevreuils, de coyotes, des renards, des mulots, des pic-bois, des chouettes, des écureuils ainsi que des rats musqués, des loutres et du saumon dans la rivière. Il ne faut pas se flageller et se dire que tout est fait tout croche depuis des années lorsqu’on constate cette diversité. »
Le préfet ajoute que le caribou, bien qu’emblématique, est une espèce vulnérable aux changements climatiques, ce qui, à son avis, n’est pas assez souvent souligné. Il rappelle aussi que toutes les actions qu’il estime être démesurées pour l’objectif à atteindre aura aussi des conséquences sur les autres espèces. Philosophiquement, la question se pose à savoir si l’on protège une espèce et décimant d’autres populations, notamment en encourageant le trappage du coyote et des ours. « Il faut bien mesurer l’ampleur de nos actions pour ne pas arriver dans 20 ans avec le constat qu’on aura fragilisé d’autres espèces comme l’orignal par exemple. »
C’est donc un cri du cœur du milieu qui est lancé au gouvernement du Québec pour régler ce dossier une fois pour toutes. « La Haute-Gaspésie a voté pour un parti qui avait affirmé qu’il n’allait pas sacrifier toute l’économie de notre MRC. En ce moment, ce que nous constatons, c’est que notre développement est paralysé pour onze caribous en liberté qui sont protégés par une zone de 5 000 km2. »
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